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Les employeurs publics refusent d’appliquer le doublement de la rémunération des personnels ayant travaillé le 1er mai prévu par le code général de la fonction publique !

publié le 20/06/2022

De nombreux établissements publics de santé et autant de collectivités territoriales refusent à ce jour d’appliquer les dispositions de l’article L. 621-9 du Code Général de la Fonction Publique (CGFP), suivant lesquelles : 

« Le 1er mai est jour férié et chômé pour les agents publics, dans les conditions fixées aux articles L. 3133-4 et L. 3133-6 du code du travail ».

Autrement formulé, les employeurs publics refusent de rémunérer les agents comme le prévoit désormais le droit en vigueur, d’une manière qui semble claire et précise.

Pourtant, de nombreux établissements de santé et collectivités territoriales soutiennent, d’une part, que l’intégration de cette mesure ne pouvait se faire dans le cadre d’une codification à droit constant, d’autre part, que l’article L. 621-9 du CGFP n’est pas suffisamment précis pour être appliqué en l’absence de décret d’application.

Leur raisonnement est très contestable.

La codification à droit constant n’empêche pas d’ajouter au droit en vigueur lorsqu’il s’agit de l’harmoniser 

À ce titre, rien n’interdisait au gouvernement d’harmoniser les modalités de rémunérations du travail le 1er mai entre les salariés du secteur privé et les agents publics.

Le deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, prévoit bien que si la codification se fait à droit constant, c’est sous réserve, notamment, des modifications nécessaires pour « harmoniser l'état du droit ».

C’est dans ce contexte que l’article 55 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a prévu que :

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative du code général de la fonction publique afin de renforcer la clarté et l'intelligibilité du droit.

Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous réserve des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, l'harmonisation de l'état du droit et l'adaptation au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés, ou des modifications apportées en vue :

1° De remédier aux éventuelles erreurs matérielles ;

2° D'abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet ;

3° D'adapter les renvois faits, respectivement, à l'arrêté, au décret ou au décret en Conseil d'État à la nature des mesures d'application nécessaires ;

4° D'étendre, dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l'application des dispositions codifiées, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et de procéder si nécessaire à l'adaptation des dispositions déjà applicables à ces collectivités.

Par dérogation à la codification à droit constant, ces dispositions peuvent être modifiées ou abrogées en vue de procéder à la déconcentration des actes de recrutement et de gestion des agents publics au sein de la fonction publique de l'État et de la fonction publique hospitalière.

L'ordonnance est prise dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance ».

Précisément, le gouvernement a voulu harmoniser l'état du droit s’agissant des modalités de rémunération du travail le 1er mai entre les salariés du secteur privé et les agents relevant du droit de la fonction publique.

Ce faisant, le pouvoir règlementaire, investi de la possibilité de prendre des mesures de nature législative par voie d’ordonnance, a ainsi supprimé une discrimination injustifiée.

En effet, l’article L. 3133-6 du code du travail, auquel renvoie l’article L. 621-9 du CGFP, prévoit que : 

« Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l'employeur ».

L'article L. 621-9 du CGFP introduit effectivement une nouvelle règle, de nature législative, en ce qui concerne la rémunération du travail le 1er mai dans la fonction publique.

Cependant, dans la mesure où il s’agit d’harmoniser les conditions de rémunération du travail du 1er mai et de supprimer les discriminations existant entre les salariés et les agents publics, la codification « à droit constant » ne constituait pas un obstacle à ce que cette mesure soit intégrée dans le code général de la fonction publique.

 

La rédaction suffisamment précise de l’article L. 621-9 du code générale de la fonction publique ne s’oppose pas à son application directe

La rédaction de l’article L. 621-9 du CGFP semble suffisamment claire et précise pour être appliquée immédiatement, même en l’absence de règlement d’application.

Si quelques administrations se retranchent derrière l’incompatibilité des logiciels de paie, la majorité des employeurs publics qui refusent d’appliquer ce texte, pourtant entré en vigueur avant le 1er mai 2022, soutient que ces dispositions nouvellement introduites dans le code ne pourront être mises en œuvre tant qu’un décret d’application n’aura pas été pris par le pouvoir règlementaire pour en préciser les contours.

Cette analyse, en plus d’être contestable en droit, témoigne d’une certaine mauvaise foi de la part des employeurs publics.

L’article 1er du code civil dispose en effet, en premier alinéa, que :

« Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».

Ainsi, par principe, les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, en l'absence de précision, le lendemain de leur publication au Journal Officiel.

Il est par ailleurs constant qu’une disposition légale qui se suffit à elle-même pour être appliquée entre en vigueur dès le lendemain de sa publication ou à la date prévue par le législateur, et reçoit application sans attendre la publication d’un décret (Civ. 3, 2 décembre 1981, n° 80-14.325 ; Civ.1, 12 mai 2016, , n° 15-12.120 : « la cour d'appel a exactement déduit, d'une part, du caractère suffisamment précis du paragraphe III bis inséré dans l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales par l'article 2 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, d'autre part, de l'absence d'indication que l'entrée en vigueur de cette disposition aurait été subordonnée à celle du décret en Conseil d'État dont elle prévoyait l'adoption aux fins de préciser ses modalités d'application, que le paragraphe III bis de l'article L. 2224-12-4, dont l'exécution ne nécessitait pas une telle mesure d'application, était entré en vigueur dès la publication de la loi du 17 mai 2011 »).

Ce n’est que s’il est impossible d’appliquer une mesure législative qu’un décret d’application est requis pour la rendre opposable (Soc. 22 mars 1989, n° 85-13.496 : « les dispositions de la loi du 4 janvier 1978 mettant à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie les seuls frais de soins, à l'exclusion de ceux d'hébergement, n'ont pu, en l'absence de décrets d'application, fixant la tarification de ces deux éléments, recevoir application » ; Civ.1, 3 juin 2015, n° 14-16.424 : la parution du décret d’application était prévue dans la loi en cause).

Ainsi, une disposition de nature législative entre en vigueur sans qu’il soit nécessaire de prendre des mesures d’application, a fortiori lorsqu’aucun décret d’application n’a été explicitement prévu par son auteur.

Ce n’est que si le contenu de la loi est imprécis et impossible à mettre en application sans mesure règlementaire venant en préciser les contours qu’une loi ne peut être appliquée directement.

Or, le texte de l’article L. 621-9 du code général de la fonction publique est très clair :

  •  le 1er mai est un jour férié et chômé pour les agents publics
  • les personnels travaillant le 1er mai ont droit à être rémunérés dans les conditions fixées à l’article L. 3133-6 du code du travail, c’est-à-dire :

- « en plus du salaire correspondant au travail accompli » = part de traitement ou de salaire que l’agent aurait perçu avant l’entrée en vigueur de l’article L. 621-9 du CGFP pour avoir travaillé un 1er mai

- « une indemnité égale au montant de ce salaire » = l’employeur public double cette somme (et en cas de prime venant déjà compléter sa rémunération, l’employeur public a le choix entre ajuster le montant de cette prime pour aboutir au doublement de la rémunération correspondant au travail du 1er mai ou, tout simplement, doubler le montant du 1/30ème du traitement tout en maintenant la prime pour travail les dimanches et jours fériés).

Bien sûr, à terme, rien n’empêchera le pouvoir règlementaire d’affiner cette disposition légale en précisant, notamment, les modalités de versement de cette indemnité, sa prise en compte dans le revenu imposable, un possible cumul avec d’autres primes et indemnités pour travail les jours fériés, etc.

Il n’en demeure pas moins qu’en l’état, l’article L. 621-9 du CGFP se suffit à lui-même et que sa rédaction ne paraît pas s’opposer à son application, sans qu’un décret d’application ne s’impose.

En conclusion

 Un nombre conséquent d’agents publics qui espéraient bénéficier de cette harmonisation de la rémunération du travail du 1er mai avec les salariés du secteur privé se heurtent à des administrations qui attendent un règlement d’application pour mettre en œuvre la mesure prévue par l’article L. 621-9 du CGFP, voire l'avis de la DGOS, de la DGFP ou de leur ministre de référence…

Or, le CGFP est entré en vigueur le 1er mars 2022 sans que l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique n’ait été déférée à la censure du Conseil d’État, de sorte que ses dispositions qui sont suffisamment précises pour être appliquée dès à présent ont force contraignante à ce jour.

On peut penser que tel est le cas de la mesure prévue par l’article L. 621-9 du Code Général de la Fonction Publique prévoyant le doublement du travail du 1er mai pour les agents publics concernés, au même titre que pour les salariés du secteur privé.

En cas de refus de l’employeur public d’appliquer ce texte, un recours administratif est envisageable, voire, en cas de rejet, une action juridictionnelle devant le tribunal administratif compétent.

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