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Première censure du code général de la fonction publique par le Conseil constitutionnel : une victoire pour le droit syndical !

publié le 09/08/2022

Décision n° 2022-1007 QPC du 5 août 2022

Le Conseil constitutionnel a récemment été saisi par le Conseil d'État (décision n° 460759) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée pour le syndicat national de l'enseignement action et démocratie (SNEAD), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution.

La question posée était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 216-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique (correspondant à l’ancien article 14 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État – également remis en cause dans la QPC mais nous n’insisterons pas sur ce point du débat car ces dispositions ne sont plus en vigueur).

Aux termes de l'article L. 216-1 du code général de la fonction publique :

« Les agents de l'Etat peuvent choisir un représentant désigné par l'organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l'exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles qui leur sont défavorables relatives aux mutations, à l'avancement de grade et à la promotion interne. Sur leur demande, les éléments relatifs à leur situation individuelle au regard de la réglementation en vigueur et des lignes directrices de gestion leur sont communiqués ».

Le SNEAD a soutenu que ces dispositions méconnaissaient, notamment, le principe d'égalité devant la loi, en ce qu'elles réservaient aux seules organisations syndicales représentatives la faculté de désigner un représentant aux fins d'assister un agent de l'État dans l'exercice d'un recours administratif contre les décisions individuelles défavorables prises à son encontre en matière de promotion interne, d'avancement de grade et de mutations.

Le Conseil d'État a considéré que si cette question n’était pas nouvelle, elle pouvait être regardée comme présentant un caractère sérieux – d’où la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel.

Ce dernier a rappelé les arguments soutenus au soutien de la demande de QPC :

« 3. Le syndicat requérant, rejoint par la partie intervenante, reproche à ces dispositions d'interdire aux organisations syndicales non représentatives d'assister les agents de l'État dans l'exercice d'un recours administratif contre certaines décisions individuelles défavorables. Il en résulterait deux différences de traitement injustifiées, d'une part, entre les organisations syndicales représentatives et les organisations syndicales non représentatives et, d'autre part, entre les agents, selon qu'ils sont ou non adhérents d'une organisation syndicale représentative.

4. Le syndicat requérant et la partie intervenante soutiennent également que, en limitant leurs missions, ces dispositions rendraient moins attractive l'adhésion aux organisations syndicales non représentatives. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté syndicale ».

Le Conseil constitutionnel a fait droit à la demande du syndicat en retenant que les dispositions contestées méconnaissaient le principe d'égalité devant la loi aux motifs que :

« 6. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

7. En application de l'article 14 bis de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable du 8 août 2019 au 1er mars 2022, et de l'article L. 216-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction en vigueur depuis cette dernière date, un agent de l'État a la possibilité de se faire assister par un représentant désigné par l'organisation syndicale représentative de son choix pour exercer un recours administratif contre une décision individuelle qui lui est défavorable en matière d'avancement de grade, de promotion interne ou de mutation.

8. Les dispositions contestées, en réservant la possibilité de désigner un représentant aux fins d'assister l'agent dans l'exercice d'un tel recours aux seules organisations syndicales représentatives, établissent une différence de traitement entre ces organisations et les organisations syndicales non représentatives.

9. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre à l'agent d'être assisté pour l'exercice d'un recours administratif contre certaines décisions individuelles défavorables. Toutefois, le caractère représentatif ou non d'une organisation syndicale ne détermine pas la capacité du représentant qu'elle a désigné à assurer l'assistance de l'agent dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est sans rapport avec l'objet de la loi ».

Le conseil constitutionnel a donc décidé que :

« Le mot « représentative » figurant […] à la première phrase de l'article L. 216-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique, est contraire à la Constitution ».
La prise d’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité intervient à compter du 5 août 2022, date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, et que celle-ci était, par ailleurs, applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette même date.

En conclusion

Si l’on ne peut que se féliciter de cette décision, on peut également s’interroger sur l’application de deux articles du code général de la fonction publique prévoyant des dispositions similaires pour les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

En effet, le code prévoit toujours, sans que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 5 août n’emporte pour effet leur disparition de l’ordre juridique, que :

« Les agents territoriaux peuvent choisir un représentant désigné par l'organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l'exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles qui leur sont défavorables relatives à l'avancement de grade, à l'échelon spécial et à la promotion interne » (article L. 216-2 du CGFP);

 « Les agents hospitaliers peuvent choisir un représentant désigné par l'organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l'exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles qui leur sont défavorables relatives à l'avancement de grade et à la promotion interne » (article L. 216-3 du CGFP).

L’inconstitutionnalité de l’emploi de l’adjectif « représentative » dans ces deux articles ne fait guère de doute puisque la différence de traitement entre les organisations syndicales représentatives et non-représentatives est, là-encore, sans rapport avec l’objet de la loi.

En cas de litige, on peut penser que le juge administratif trouvera une parade juridique pour ne pas appliquer ces deux textes – la décision n° 2022-1007 QPC du 5 août 2022 pouvant légitimement servir de fondement à un raisonnement par analogie.

Toutefois, il serait encore préférable que le législateur soit rapidement invité à procéder à une réécriture de ces textes suivant les indications données par le Conseil constitutionnel à propos de l’article L. 126-1 du CGFP.

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