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Le médecin de contrôle ne peut pas imposer la vaccination contre le COVID-19 pour valider l’arrêt maladie d’un agent public !

publié le 02/08/2022

Par un récent jugement obtenu par le cabinet, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le médecin de contrôle ne pouvait pas imposer la vaccination contre le COVID-19 pour valider l’arrêt maladie d’un fonctionnaire, même lorsque ce dernier est soumis à l’obligation vaccinale.

 TA Strasbourg, 22 juillet 2022, n° 2107568-2203366

Un jugement qui confirme le maintien en congé maladie des agents soumis à l’obligation vaccinale  

 Le tribunal administratif de Strasbourg a confirmé, s’il en était besoin, que « si le directeur d’un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l’égard d’un agent qui ne satisfait pas à l’obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu’à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l’agent en question ».

 Cette solution a en effet été posée par le Conseil d’État dans son arrêt du 2 mars 2022 (n° 458353), confirmé depuis à plusieurs reprises (v. une série de décisions rendues le 22 avril 2022 par la Haute juridiction dans les affaires nos 460076 – 459985 –459980 - 459977- 459793 - 459482 – 459481 – 459480 – 459478 - 459323- 459298 - 459297 - 459263– 459258 – 458366 – 458364 – 458363 – 458361 – 458360 ; CE, 11 mai 2022, n° 459012 et n° 459011 ; CE, 31 mai 2022, n° 460158, n° 459840, n° 459369, n° 459085 et n° 458892).

 Cette solution a été encore plus récemment confirmée au fond, à l’occasion du jugement de trois affaires présentant une problématique similaire (v. TA Orléans, 19 mai 2022, n° 2103784 - 2103786 - 2103792).

 Le tribunal administratif de Strasbourg a donc logiquement retenu qu’en application de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (désormais articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique), du I de l'article 12 et du III de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, « aucune suspension ne peut intervenir durant la période d’arrêt de travail pour maladie ».

 Mais là n’est peut-être pas l’apport le plus intéressant de cette décision…

 

Un jugement qui vient préciser les conditions du contrôle des arrêts maladie des agents publics menacés de suspension

 L’apport particulier du jugement du 22 juillet 2022 tient à la précision apportée par le juge administratif sur l’étendue des compétences du médecin agréé à l’occasion des contrôles des arrêts maladie des agents publics dans le cadre de l’application de la loi n° 2021-1014 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

 Plus précisément, il appartient uniquement aux médecins agréés de se prononcer sur l’état de santé des agents soumis à leur contrôle et sur leur aptitude à reprendre le travail.

En aucun cas le statut vaccinal de ces agents ne saurait influencer les conclusions adressées aux employeurs. 

 Autrement dit, seul l’état de santé desdits agents est susceptible de justifier le bienfondé ou, au contraire, l’absence de bienfondé de leurs arrêts maladie.

 Dans l’affaire en cause devant le tribunal administratif de Strasbourg, la requérante avait été « placée en arrêt maladie du 30 août au 2 novembre 2021. Par un avis du médecin-expert chargé de contrôler le bien-fondé dudit arrêt, l’arrêt de travail a été validé jusqu’au 17 novembre 2021. […] ». Or, cet agent a depuis lors été placée en arrêt maladie par son médecin bien au-delà de cette date (à tel point qu’au mois de juillet 2022, elle est encore arrêtée pour raison de santé).

 Il n’empêche, son employeur l’a suspendue à compter du 18 novembre 2021 en se fondant sur les conclusion du médecin agréé, selon lesquelles : « Mme X. souffre d’un état pathologique qui la rend encore incapable de travailler mais n’est pas une contre-indication à la vaccination anti-covid ». Le médecin agréé a ajouté à ces conclusions « qu’il ne [fallait] valider l’arrêt depuis le 30/08/2021 et ses éventuelles prolongations qu’en cas de présentation dans les quinze jours d’un certificat d’une dose de vaccination et au bout d’un mois plus tard de la deuxième dose ».

 Autrement formulé, ce médecin agréé a cru qu’il relevait de sa compétence de subordonner le bienfondé d’un arrêt de travail au respect de l’obligation vaccinale !

 Le centre hospitalier qui employait la requérante l’a donc suspendue de ces fonctions sur le fondement de la loi du 5 août 2021 malgré la présentation régulière de ses arrêts de travail et bien que les conclusions du médecin agréé ne laissaient aucun doute sur son inaptitude à reprendre son poste…

 Au contraire de ce que soutenait l’employeur, le juge administratif a retenu que, dès lors que le bien-fondé de l’arrêt maladie était bien établi, l’absence de vaccination contre le COVID-19 étant « sans emport sur la réalité de la maladie de [l’agent] ».

 Le tribunal administratif a fait ici une exacte application de la loi relative au droit à congé maladie et aux modalités de contrôle des arrêts de travail.

 

Bref rappel sur les modalités de contrôle des arrêts maladie des agents publics 

 Le droit de bénéficier de congés maladie pour tout fonctionnaire

 L’article L. 822-1 du code général de la fonction publique prévoit que « le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie lorsque la maladie qu'il présente est dûment constatée et le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ».

L’article 14 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 Décret n°88 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière confirme d’ailleurs qu’à moins que l’agent n’ait pas déclaré en temps utile son absence pour raison médicale ou que le médecin de contrôle ne remette en cause sa pathologie, « en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le fonctionnaire hospitalier est de droit placé en congé de maladie ».

 

Le bienfondé de l’arrêt de travail dépend donc uniquement de la réalité de la pathologie et du fait que celle-ci rende impossible la reprise du travail. 

 En aucun cas la vaccination contre le COVID-19 ne rentre en ligne de compte pour l’appréciation du droit à congé maladie.
 

 

Le rôle du médecin agréé dans le contrôle des arrêts maladie

Conformément à l’article 15 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 Décret n°88 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière  (des textes analogues existent pour les autres fonctions publiques) :

« L'autorité investie du pouvoir de nomination peut faire procéder à tout moment à l'examen du demandeur par un médecin agréé. Elle fait en outre procéder à cet examen au moins une fois après une période de congé de maladie de six mois consécutifs. Le fonctionnaire se soumet à cet examen sous peine d'interruption du versement de sa rémunération.

Le conseil médical compétent peut être saisi par l'administration ou par l'intéressé des conclusions du médecin agréé ».

 

  • Si l’employeur est libre de solliciter un contrôle en cas de doute sur le bienfondé d’un arrêt de travail, l’agent concerné est également libre de contester des conclusions du médecins agréé si elles lui semblent injustifiées, si le médecin de contrôle n’est pas agréé ou s’il a méconnu les règles imposées par le code de la santé publique.

 Les conditions dans lesquelles doit se dérouler les contrôles des arrêts de travail pour raisons médicales sont, en effet, expressément prévues dans ce code :

 NB : Le médecin agréé ne peut pas non plus être le médecin traitant des membres de la famille vivant avec l’agent contrôlé (ni des membres de la collectivité territoriale dans laquelle le malade est employé dans le cadre de la fonction publique territoriale).

  •  L’article R. 4127-101 du code de la santé publique précise que : « lorsqu'il est investi de sa mission, le médecin de contrôle doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu'elles l'exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code de déontologie ».

 En application de ce texte, un médecin agréé généraliste devra se récuser si l’agent soumis à son contrôle est atteint d’une pathologie dont les caractéristiques imposent un examen par un médecin spécialiste (un psychiatre, un chirurgien orthopédiste, etc.). 

 Certes, l’agent subira deux contrôles, mais au moins il sera examiné par un médecin spécialiste de sa pathologie (il peut d’ailleurs saisir le conseil médical si ce n’est pas le cas).

 Ce même article précise qu’ « il doit être très circonspect dans ses propos et s'interdire toute révélation ou commentaire » et qu’ « il doit être parfaitement objectif dans ses conclusions ».

Dans le cadre de l’obligation vaccinale, les médecins agréés doivent donc s’abstenir de tout commentaire relatif à la vaccination ou à l’absence de vaccination de l’agent contrôlé.

  • L’article R. 4127-103 du même code précise également que « sauf dispositions contraires prévues par la loi, le médecin chargé du contrôle ne doit pas s'immiscer dans le traitement ni le modifier. Si à l'occasion d'un examen, il se trouve en désaccord avec le médecin traitant sur le diagnostic, le pronostic ou s'il lui apparaît qu'un élément important et utile à la conduite du traitement semble avoir échappé à son confrère, il doit le lui signaler personnellement. En cas de difficultés à ce sujet, il peut en faire part au conseil départemental de l'ordre ».

 L’objet de la visite médicale étant uniquement d’établir le bienfondé de l’arrêt de travail, il n’est pas question pour le médecin agréé de remplacer le médecin traitant de l’agent. 

 Cela étant, en sa qualité de médecin, il peut tout à fait s’adresser à son confrère ou aux instances ordinales en cas de doute sur le traitement suivi par l’agent (ce qui est indépendant de son contrôle de l’arrêt maladie).

  • Enfin, l’article R. 4127-104 du code de la santé publique dispose que « le médecin chargé du contrôle est tenu au secret envers l'administration ou l'organisme qui fait appel à ses services. Il ne peut et ne doit lui fournir que ses conclusions sur le plan administratif, sans indiquer les raisons d'ordre médical qui les motivent. / Les renseignements médicaux nominatifs ou indirectement nominatifs contenus dans les dossiers établis par ce médecin ne peuvent être communiqués ni aux personnes étrangères au service médical ni à un autre organisme ».

 Dans l’affaire jugée par le tribunal administratif de Strasbourg, en subordonnant la validité des arrêts de travail de la requérante à sa soumission au protocole vaccinal contre le COVID-19, le médecin agréé a non seulement ajouté une condition non prévue par la législation à la validation de son congé maladie, mais encore a-t-il méconnu l’article R. 4127-104 du code de la santé publique en divulguant une information soumise au secret médical, à savoir le statut vaccinal.

 

En conclusion

 En cas de conclusions du médecin de contrôle défavorables (c’est-à-dire contestant le bienfondé de l’arrêt de travail pour raison médicale), cela ne signifie pas nécessairement que l’agent doive reprendre immédiatement son poste. 

En effet, celui-ci peut contester cet avis devant le conseil médical (anciennement comité médical), notamment lorsqu’il lui semble que les conditions dans lesquelles a eu lieu le contrôle n’ont pas respecté les obligations imposées par le code de la santé publique.

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