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Précision récente du Conseil d’État sur la recevabilité des recours en annulation contre les prises de position de l’administration sur une règlementation

publié le 26/07/2022

Par un récent arrêt, le Conseil d’État a précisé sa jurisprudence en expliquant à quelles conditions les réponses de l’administration aux demandes d’information sur une réglementation peuvent être contestée devant le juge administratif.

CE, 21 juillet 2022, n° 449388 

Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du Conseil d’État rendu le 21 juillet 2022, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur s'était prononcée sur l'application de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos. Plus précisément, l’acte en cause se rapportait au fonctionnement des tables de jeux de blackjack et aux personnels habilités à les surveiller.

Cette décision, matérialisée dans un courriel du 7 janvier 2021, a fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État de la part de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière.

Mais s’agissait-il réellement d’une décision susceptible de recours devant la juridiction administrative ?

La question est légitime.

En effet, tous les actes pris par l’administration ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une demande d’annulation auprès du juge administratif.

Certes, il est possible de contester de nombreuses décisions de l'administration, et ce quel qu'en soit l'auteur (État, département, commune, hôpital) ou la forme (arrêté, décret, courrier, mail, acte d’un représentant de l’administration…).

Cependant, certains actes sont exclus du contrôle des juges administratifs.

Tel est le cas, notamment, des simples avis ou informations produits par l’administration. Il en va de même des projets ou déclarations d'intention.

 

Qu’en est-il des prises de positions de l’administration sur une règlementation existante ?

Par sa décision du 21 juillet 2022, le Conseil d’État a rappelé la règle de recevabilité des recours en annulation liées à la nature de l’acte administratif attaqué :

« 2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices ». 
 

Dans l’affaire récemment portée devant la Haute juridiction administrative, il était question d’un courriel par lequel la cheffe du bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur avait répondu à un courrier de la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière en lui faisant part de l'interprétation, par l'administration, de la réglementation applicable aux casinos (résultant de l'arrêté du 14 mai 2007).

Le Conseil d’État a considéré que ce courriel ne révélait par lui-même aucune décision administrative :

« 3. […] Dès lors qu'il se borne à répondre à une demande d'information présentée par le syndicat requérant, il ne saurait être regardé comme constituant un document de portée générale susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des établissements de jeux ou de leurs salariés ». 
 

La requête a donc été rejetée pour cause d’irrecevabilité tenant à la nature de l’acte attaqué : il ne s’agissait pas d’une décision administrative distincte du texte, le mail attaqué n’ayant donné qu’une simple interprétation d’un arrêté, sans ajouter de contraintes ni d’obligations pour les employés ou les clients des casinos.

Autrement formulé, le ministère de l’intérieur n’a pas pris de position révélant une nouvelle mesure impérative ou règlementaire qui serait venu s’ajouter à l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.

Il n’empêche que les particuliers et les syndicats doivent systématiquement s’interroger sur la nature des actes émanant de l’administration dont ils contestent le contenu, peu importe leur forme.

En effet, il est admis de manière constante qu’une prise de position de l’administration sur une règlementation puisse être contestée, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une simple information sur la règlementation :

  • CE, Section, 12 novembre 1965, Cie marchande de Tunisie, p. 602 : une lettre Président du Conseil des Ministres décidant l'octroi sans délai à la société requérante de certaines licences d'importation constitue une décision administrative ;
  • CE, Section, 12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), n° 418142, p. 192 : Une note d'actualité émanant de la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité de la direction centrale de la police aux frontières qui vise à diffuser une information relative à l'existence d'une « fraude documentaire généralisée en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil et les jugements supplétifs » et qui préconise en conséquence, en particulier aux agents devant se prononcer sur la validité d'actes d'état civil étrangers, de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'un acte de naissance guinéen, est susceptible de recours (« eu égard aux effets notables qu'elle est susceptible d'emporter sur la situation des ressortissants guinéens dans leurs relations avec l'administration française ») ;

Les conseils d’un avocat pratiquant le droit administratif au quotidien sont recommandés pour éviter un contentieux irrecevable à coup sûr ou, au contraire, louper le coche d’un recours qui pourrait être déterminant pour le requérant !

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