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Le juge du référé liberté suspend l’assignation notifiée à un agent hospitalier déclaré gréviste !

publié le 27/06/2022

Par une ordonnance rendue le 25 juin 2022 (n° 2210058), le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, saisi en référé liberté, a prononcé la suspension de l’exécution d’une mesure d’assignation d’un cadre de santé gréviste.

Cette décision est l’occasion de faire un bref rappel sur le régime de l’assignation, en attendant une série d’articles plus approfondis sur le thème de la grève dans le secteur hospitalier. 

Par ailleurs, des formations portant sur les recours juridictionnels contre les mesures attentatoires au droit de grève (assignations, réquisitions préfectorales…) seront proposées très prochainement par Maîtres Bénédicte ROUSSEAU et Alma BASIC, avocates en droit de la fonction publique hospitalière (pour être tenus informés sur ces formations et toutes celles à venir, n’hésitez pas à laisser un message sur le formulaire de contact du site)

Les décisions d’assignation des personnels de santé grévistes

 Les directeurs d’établissements publics de santé peuvent imposer des restrictions au droit de grève des personnels de santé, dans le but d’assurer la continuité du service public hospitalier (CE, 7 juin 1950, Dehaene, n° 01645, p. 426).

 Afin de pouvoir organiser un service minimum, le directeur de l’hôpital, ou un directeur adjoint par délégation, notifie une assignation à chaque agent dont la présence dans le service est jugée indispensable à la permanence des soins et à la sécurité des patients.

 Les assignations, au même titre que les réquisitions préfectorales, portent une atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève (CE, 9 déc. 2003, Mme Aguillon et a., n°262186, p. 497). Il est donc possible de faire un recours devant la juridiction administrative pour les contester.

 

le recours qui s’impose contre les assignations : le référé liberté

Plus précisément, le gréviste assigné peut demander la suspension de l’assignation au juge du référé liberté, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative

En application de ce texte, lorsque la demande du requérant est considérée comme très urgente, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde du droit de grève si la direction du centre hospitalier y a porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés doit se prononce dans un délai de quarante-huit heures suivant la requête.

Depuis le début de la crise sanitaire, il s’avère plus compliqué d’obtenir la remise en cause des assignations de d’agents hospitaliers en grève devant les juridictions administratives, même en établissant que le service minimum est garanti en l’absence des grévistes…

Evidemment, le juge du référé liberté reste toujours garant du respect du droit de grève des agents hospitaliers, toutefois, il exige davantage de preuves que le maintien d’un service minimum. Il veut savoir si l’absence du gréviste n’est pas susceptible de remettre en cause la continuité des soins ni la sécurité des patients. 

 

un exemple récent d’assignation suspendue par le juge du référé liberté

C’est précisément ce qu’a fait récemment un cadre de santé assigné pendant plus d’une semaine dans le cadre d’un mouvement de grève dont les nombreuses revendications portaient, notamment, sur le besoin de renfort de l’encadrement au sein du groupement hospitalier.

 Alors qu’un préavis de grève illimité avait été déposé près de deux mois auparavant, cet agent hospitalier s’est déclaré gréviste pour plusieurs jours.

Dès le premier jour de grève, alors que l’infirmier état le seul cadre de santé gréviste cette semaine-là et que, par ailleurs, le nombre de personnels d’encadrement présents était au moins égal à celui des semaines précédentes, le directeur des ressources humaines de l’hôpital lui a adressé une première assignation, laquelle a été renouvelée toute la semaine, sauf le jeudi. L’agent s’étant par la suite déclaré gréviste les lundi 27 et mardi 28 juin suivants, la direction a également prévu de l’assigner à ces dates.

 C’est pour demander la suspension de ces deux dernières assignations que le cadre de santé gréviste et le syndicat pour lequel il a été élu en tant que délégué syndical ont formé un référé liberté.

 Par l’ordonnance du 25 juin 2022 (n° 2210058), le juge des référé du Tribunal administratif de Montreuil a suspendu l’exécution de la décision d’assigner cet agent le mardi 28 juin 2022 et a condamné le groupement hospitalier, la partie perdante, à verser une somme de 500 euros aux requérants. 

 

 Analyse de l’ordonnance de référé liberté rendue le 25 juin 2022

D’abord, le juge des référés a admis l’urgence, puisque les deux prochaines assignations confirmées par le centre hospitalier étaient prévues deux jours après l’audience.

Ensuite, en ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève, le raisonnement du juge des référés a été plus nuancé.

En effet, s’agissant du lundi 27 juin 2022, tout en admettant que l’hôpital avait « réussi à faire face à un plus grand nombre de grévistes au mois d’avril sans recourir à leur assignation », le juge des référé a considéré que « la limite posée à l’exercice par M. X. de son droit de grève ne paraît pas manifestement disproportionnée aux exigences liées à l’administration des soins ». Plus précisément, il apparaissait pour le magistrat que l’argument du représentant de l’hôpital  était suffisant pour admettre la validité de l’assignation délivrée ce 27 juin 2022. Par un raisonnement, au demeurant critiquable, le représentant de l’hôpital a soutenu que les agents faisant fonction de cadres en service de jour-là ne suffisaient pas à garantir la sécurité des patients et la continuité des soins – et ce bien que quatre cadres soient par ailleurs présents (ce qui avait suffi au mois d’avril…). Pourtant,  ces mêmes agents –  faisant fonction de cadres –  étaient habituellement en charge de l’encadrement de plusieurs services, sans que cela ne soulève aucun problème...

En revanche, s’agissant du mardi 28 juin 2022, le juge des référés s’est appuyé sur le planning de gardes des cadres pour suspendre l’exécution de l’assignation aux motifs que « le nombre de cadres de santé dont l’absence est d’ores-et-déjà prévue est égal, voire inférieur, à celui observé pour la journée du jeudi 23 juin 2022, date à laquelle l’hôpital [avait] trouvé une solution d’appoint permettant d’éviter le recours à l’assignation de M. X. Par ailleurs, [l’hôpital] n’apporte aucun élément permettant de considérer que le système mis en œuvre au titre du 23 juin 2022 pour assurer la continuité du service public ne pourrait pas être reproduit le mardi 28 juin 2022 ».

 

En conclusion :

Devant le juge du référé liberté, il ne suffit pas de soutenir que le droit de grève a été atteint par la décision d’assigner les personnels de santé.

Au demeurant, la problématique de sous-effectif structurel est généralement à l’origine du mouvement de grève, pourtant les directions d’hôpitaux ont tendance à insister sur la présence indispensable des agents aux dates pour lesquelles ils se sont déclarés grévistes afin de les empêcher d’exercer cette liberté fondamentale qu’est le droit de grève. 

Il est donc impératif de démontrer, en annexant à la requête des plannings, des attestations et tous autres documents utiles, que l’absence du ou des agents grévistes n’est pas de nature à remettre en cause la continuité des soins ni à porter atteinte à la sécurité des patients.

 

L’assistance d’un avocat rompu à la procédure du référé liberté est donc un atout pour constituer un dossier étayé et le plus convaincant possible face à une administration hospitalière qui n’hésite pas à compter sur le fait que la juridiction administrative doive garantir l’existence d’un service minimum, seule garantie de la sécurité des usagers du service public de la santé.

 

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