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La vaccination contre la COVID-19 peut-elle devenir une obligation à long terme pour les professionnels du secteur de la santé ?

publié le 30/03/2022

Le principe du libre consentement au soin possiblement limité par une vaccination obligatoire

Si l’article l. 1111-4 du code de la santé publique prévoit que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement […] » (alinéa 2) et qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment » (alinéa 4), le principe du libre consentement aux soins médicaux connaît des limites, notamment en matière d’obligation vaccinale.

Une autorité administrative ou de direction (ministre, préfet, directeur d’hôpital ou de clinique…) ne peut donc pas décider d’imposer aux agents publics, salariés ou étudiants de se faire vacciner contre une pathologie si ce n’est pas prévu par la loi (concernant le SARS-CoV-2, nous verrons que l’obligation vaccinale est restreinte à certaines catégories de personnels).

Cela dit, il est possible que le gouvernement décide de procéder par ordonnance (comme cela a été le cas pour l’articles L. 3111-4 du CSP). Le cas échéant, à défaut de loi de validation venant la ratifier, l’obligation vaccinale pourrait être remise en cause.

Ensuite, le pouvoir règlementaire peut recevoir la compétence pour organiser les modalités précises d’une vaccination rendue obligatoire.

Toutefois, seuls les ministres chargés de la santé et du travail peuvent déterminer les catégories d'établissement et organismes concernés par l'obligation vaccinale (Le Conseil d’État a jugé, par exemple, que le ministre de la Défense n’était pas compétent pour le faire à l'égard des établissements de prévention et de soins relevant de son administration : CE, Ass., 3 mars 2004, Association Liberté, Information, Santé, no 222918).

    • Une conciliation doit être faite entre l’impératif de santé publique et plusieurs droits et libertés individuels.

En droit français, le droit à la protection de la santé est constitutionnellement protégé (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946).

Le Conseil d’État a jugé que ce droit pouvait justifier la légalité de disposition relatives à des vaccinations obligatoires, bien qu’elles aient pour effet de porter atteinte aux principes d'inviolabilité et d'intégrité du corps humain et à la liberté de conscience, dès lors que l’obligation de vaccination était proportionnée à l’objectif constitutionnel de protection de la santé publique (CE, 26 novembre 2001, n°222741, publié au Lebon).

Le Conseil constitutionnel a quant à lui jugé, également à propos des vaccins obligatoires pour les enfants, qu’« il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; […] il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l'évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques » (CC, 2015-458 QPC, 20 mars 2015, Époux L.).

Le droit à la santé et au respect de l’intégrité du corps humain, dans la perspective où le vaccin ne serait pas sûr d’un point de vue médical, pourrait justifier que l’on s’oppose, le cas échéant, à une obligation légale d’en justifier, notamment pour exercer une profession de santé. Il faudrait alors pouvoir démontrer scientifiquement que le bilan bénéfice/risque est défavorable au choix d’imposer la vaccination obligatoire.

    • À ce jour, outre les vaccinations recommandées, plusieurs vaccins sont obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, parmi lesquels :
  • Les vaccins qui s’imposent à tous les enfants nés à compter de 2018 (v. article L. 3111-2 du CSP : les vaccinations antidiphtérique, antitétanique, antipoliomyélitique, contre la coqueluche, contre les infections invasives à Haemophilus, influenzae de type b, contre le virus de l'hépatite B, contre les infections invasives à pneumocoque, contre le méningocoque de sérogroupe C, contre la rougeole, contre les oreillons et contre la rubéole) ;
  • La vaccination contre la fièvre jaune « pour toute personne âgée de plus d'un an et résidant ou séjournant en Guyane » (article L. 3111-6 du CSP) ;
  • Le vaccin contre l’hépatite B pour les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice (article L. 3111-3 du CSP)
  • En ce qui concerne le secteur sanitaire, l’article L. 3111-4 du code de la santé publique prévoit que :

« Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite […].

Un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les catégories d'établissements et organismes concernés.

Tout élève ou étudiant d'un établissement préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, qui est soumis à l'obligation d'effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies mentionnées à l'alinéa premier du présent article. / […] ».

Sont dont essentiellement visés les professionnels exerçant dans :

  • des établissements de prévention et de soins ;
  • des établissements de sanitaires et sociaux ;
  • des hébergements de personnes âgées.

En application des dispositions d’un arrêté du 6 mars 2007, doivent avoir été obligatoirement vaccinés pour l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite les élèves et étudiants aspirant aux professions suivantes : professions médicales et pharmaceutiques (Médecin. Chirurgien-dentiste. Pharmacien. Sage-femme) et autres professions de santé (Infirmier. Infirmier spécialisé. Masseur-kinésithérapeute. Pédicure podologue. Manipulateur d'électroradiologie médicale. Aide-soignant. Auxiliaire de puériculture. Ambulancier. Technicien en analyses biomédicales. Assistant dentaire).

  • En dernier lieu, la vaccination contre le virus de la COVID-19 a été rendue obligatoire pour les personnels des secteurs de la santé et du médico-social sur le fondement des dispositions de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

L’article 12 de ladite loi impose l’obligation vaccinale pour une série de professionnels cités au point I, tout en prévoyant au point IV qu’ « un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au I, l'obligation prévue au même I ».

À ce jour, tant que les articles 12 et suivants de la loi du 5 août 2021 ne sont pas abrogés et que le pouvoir règlementaire n’a pas décidé que les circonstances pourraient justifier de lever cette obligation vaccinale, cette dernière sera maintenue en vigueur, sans limite de temps précisément fixée.

La vaccination obligatoire contre le virus SARS-COV.2 pourrait-elle devenir pérenne ?

La loi du 5 août 2021, dont l’objet est de gérer la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, n’a a priori pas vocation à perdurer dans le temps.

On pourrait en déduire que l’obligation vaccinale contre le virus SARS-COV.2 n’a pas davantage vocation à être pérennisée, le législateur ayant d’ailleurs prévu que cette contrainte puisse être levée en fonction de l’évolution de l’épidémie – c’est-à-dire lorsque la contrainte vaccinale ne sera plus justifiée par l’impératif de santé publique.

Il est d’ailleurs courant que le pouvoir règlementaire suspende des vaccinations obligatoires pour les professionnels du secteur sanitaire. Tel est le cas actuellement de l’obligation vaccinale contre la grippe, suspendue par l’article 1er du décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006, ainsi que de l'obligation vaccinale contre la fièvre typhoïde, suspendue à compter du 1er mars 2020 par l’article 1er du décret n° 2020-28 du 14 janvier 2020.

Cependant, aucune limite dans le temps ne vient préciser la fin de l’obligation vaccinale.

Par suite, l’obligation vaccinale contre le virus du SARS-COV-2 pour les personnels de santé pourra être prolongée dans le temps tant que cette loi sera en vigueur et tant que l’épidémie liée à la COVID-19 perdurera, à condition toutefois que les conséquences de ce virus sur le fonctionnement du service public de la santé, notamment, le justifient.

Quelles actions juridiques pourraient permettre de remettre en cause l’obligation vaccinale ?

Plusieurs démarches juridiques sont envisageables :

  • Une saisine du Ministre en charge de la santé et des solidarités afin qu’il prenne la décision de revenir sur l’obligation vaccinale, motif pris de l’absence de saturation des services d’urgences et de réanimation et de la bonne, du fait que les personnels de santé positifs au COVID-19 sont invités à travailler….
  • À l’occasion d’un litige relatif à une suspension de fonctions, à un licenciement ou à une radiation des cadres de la fonction publique, il sera également possible de contester :
    • soit, directement devant les juridictions administratives et prudhommales, les mesures règlementaires organisant la vaccination contre la COVID-19,
    • soit, en introduisant une question prioritaire de constitutionnalité (SPC), les dispositions des articles 12 et suivants de la loi du 5 août 2021.

Pour contester le maintien de l’obligation vaccinale, si le législateur n’abroge pas les dispositions de la loi du 5 aout 2021, il faudra en toute hypothèse convaincre les pouvoirs publics et les juridictions saisies que cette contrainte est dorénavant disproportionnée par rapport au but poursuivi.

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