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Recrutements abusifs de vacataires : le récent rappel à l’ordre du Gouvernement suffira-t-il à renverser la vapeur ?

publié le 05/11/2021

Dans une instruction du 28 septembre 2021 relative à plusieurs dispositions applicables à la Fonction publique territoriale issues de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la Fonction publique dont la Gazette des communes propose de télécharger une copie à défaut de publication, la ministres de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et la ministre de la transformation et de la fonction publiques se sont emparées de la problématique du recrutement abusif des vacataires par les collectivités territoriales (communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements et régions).

Seulement, comme le fait bien ressentir le titre d’un récent article publié par la Gazette des communes, pour lequel Bénédicte ROUSSEAU a été interrogée dans le cadre de sa pratique en droit public du travail, le sort des vacataires a été mis timidement à l’agenda politique.

C’est l’occasion de revenir, après un précédent article relatif au recours abusif aux vacataires par les employeurs publics par lequel on dénonçait, déjà en 2019, cette pratique peu conforme à la règlementation et de nature à favoriser la précarisation des agents sous contrat de la fonction publique.

L’instruction adressée le 28 septembre 2021 aux préfets a pour objet, notamment, de recadrer le recrutement injustifié de vacataires par les collectivités territoriales.

Il était grand temps que l’administration s’empare de ce problème et dénonce la qualification de vacation des nombreux emplois permanents de la fonction publique territoriale, pour lesquels s’imposent, selon les cas, le recours à des contrats à durée déterminée ou indéterminée (CDD ou CDI).

L’instruction de septembre 2021 rappelle tout d’abord que

« la jurisprudence précise la qualité de vacataire en la caractérisant par trois conditions cumulatives : spécificité (le vacataire est recruté pour exécuter un acte déterminé), discontinuité dans le temps (l’emploi ne correspond pas à un besoin permanent) et rémunération attachée à l’acte ».

Ensuite, le gouvernement insiste auprès des préfets sur le fait que :

« si l’une de ces conditions fait défaut, l’intéressé n’est pas considéré comme vacataire mais comme agent contractuel relevant des dispositions du décret du 15 février 1988 […] » et que, par ailleurs, « la mention de la qualité de vacataire dans le contrat d’engagement ne suffit pas à faire entrer l’agent dans la catégorie des agents vacataires. Le caractère précaire et révocable du recrutement inscrit dans l’acte d’engagement ne permet pas à lui seul de caractériser une vacation » (CE, 10 novembre 1982, n° 21628 bis).

Dès 1982, en réalité, le Conseil d’État était très clair : les dispositions de la décision de recrutement suivant lesquelles l’agent était engagé « à titre essentiellement précaire et révocable », qu’il serait rémunéré « au taux horaire correspondant » n’impliquaient pas, par elles-mêmes, que l’intéressé ait été recruté comme agent rémunéré à la vacation. Dès lors que celui-ci « a occupé un emploi permanent et qu’il était rémunéré mensuellement », la qualification de contractuel s’applique à lui. En conséquence, le refus de renouveler son contrat correspond à un licenciement donnant droit au versement d’une indemnité.

En attendant, les juridictions administratives censurent toujours régulièrement le recours abusif aux vacataires.

Deux exemples récents de requalifications jurisprudentielles de contrats de vacation en CDD ou CDI

En premier lieu, la Cour administrative d’appel de Douai a jugé au mois de mars 2021 qu’un agent « qui a été recrutée de manière continue du 10 avril 2009 au 30 novembre 2013, par des contrats à durée déterminée d’une durée d’un mois, pour assurer les fonctions d’aide à domicile, a effectué des missions qui ne présentaient pas le caractère d’un acte déterminé et qui répondaient à un besoin permanent de la collectivité. Ainsi, nonobstant les termes de son engagement et le mode de rémunération horaire, cet agent occupait non pas un poste de vacataire, mais un emploi permanent » (CAA de Douai, 3ème chambre, 25 mars 2021, n° 19DA02345).

En second lieu, la Cour administrative d’appel de Nancy a rappelé au mois de juillet dernier qu’« un agent de droit public employé par une collectivité ou un établissement mentionné au premier alinéa de l’article 2 de la loi du 26 janvier 1984 doit être regardé comme ayant été engagé pour exécuter un acte déterminé lorsqu’il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l’administration. La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n’a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d’agent contractuel. En revanche, lorsque l’exécution d’actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l’administration, l’agent doit être regardé comme ayant la qualité d’agent non titulaire de l’administration » (CAA Nancy, 6 juillet 2021, n° 20NC00377).

Dans cette affaire, la requérante avait été recrutée en qualité de vacataire par un EPCI, suivant les termes de sa lettre d’engagement, pour exercer les fonctions d’ouvreuse au théâtre municipal de Strasbourg et à l’Opéra théâtre du Rhin. Elle devait effectuer un nombre variable d’interventions mensuelles, établies en fonction de la programmation, et rémunérée à un montant forfaitaire par séance. Cependant, d’autres missions lui étaient confiées : accueillir et placer le public, veiller à sa sécurité et assumer la régie de recettes pour la vente des programmes. Par ailleurs, son engagement, renouvelé chaque année pour une durée de dix mois, et ce pendant une durée d’au moins 10 ans, ne pouvait avoir été consenti pour effectuer des vacations mais bien pour répondre à un besoin permanent de l’Eurométropole de Strasbourg en qualité d’agent non titulaire.

Les enjeux pratiques de la requalification des contrats de vacations en CDD ou CDI

Le droit de percevoir une indemnité de licenciement en cas de rupture de l’engagement ou de non-renouvellement des vacations

Tout d’abord, en cas de rupture du contrat de vacation ou de refus de renouvellement après plusieurs années d’emploi régulier, l’agent dont le statut de contractuel est reconnu en lieu et place de celui de vacataire est en droit de percevoir l’indemnité de licenciement prévue aux articles 43 et suivant du décret du 15 février 1988 (CAA Bordeaux, 5 février 2004 n° 00BX00213).

Mais il n’y a pas que l’indemnité de licenciement qui est en jeu dans la procédure visant à obtenir la requalification de contrats de vacations en CDD ou en CDI.

En effet, l’agent peut prétendre à différentes indemnisations.

Le droit d’être indemnisé des rémunérations non perçues en tant que vacataires

La requalification de son engagement de vacataire en contrat à durée déterminée « implique nécessairement d’enjoindre à l’administration de procéder à la révision de sa situation au titre des périodes d’engagement en qualité de vacataire de l’agent en lui versant la différence entre ce qu’il a perçu en tant que vacataire et ce qu’il aurait dû percevoir en tant qu’agent non titulaire, et régularise, le cas échéant, les cotisations auprès des organismes sociaux et de retraite compétents » (CAA Nancy, 6 juillet 2021, n° 20NC00377).

L’arrêt rendu le 25 mars 2021 par la Cour administrative d’appel de Douai rappelle que le recrutement abusif d’un agent en tant que vacataire pour occuper de façon ininterrompue un emploi permanent de la collectivité, et non en qualité d’agent non titulaire, est constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’administration » (CAA de Douai, 25 mars 2021, n° 19DA02345).

Au titre des préjudices patrimoniaux indemnisables, les agents abusivement recrutés en tant que vacataires peuvent prétendre à la réparation de la privation du bénéfice du régime indemnitaire auquel les agents non-titulaires, occupant un emploi permanent, sont éligibles.

La Cour administrative de Douai a également précisé que l’agent dont le contrat de vacation a été requalifié a le droit de percevoir, pour toute la période de recrutement irrégulière en tant que vacataire, au versement des différentes indemnités qu’il aurait dû percevoir : l’indemnité de résidence, la prime « métier », la prime de fin d’année…

L’indemnisation du préjudice moral des faux vacataires causé par un mode de recrutement abusif.

La précarité du statut de vacataire et l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé l’agent de bénéficier des droits reconnus aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, a justifié, pour les juges de la CAA de Douai, qu’une indemnité d’un montant de 3 000 euros fût accordée à l’agent victime de recrutements illégaux en tant que vacataires pendant plusieurs années (CAA de Douai, 25 mars 2021, n° 19DA02345 ; CE, 20 février 2013, n° 355901).

Une indemnité de 5 000 euros du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence causés par un recrutement illégal en tant que vacataire pendant 19 ans a été accordée par la juridiction administrative (CAA Marseille, 20 décembre 2011, n° 09MA02901 ; confirmé par CE, 10 octobre 2018, n° 393132).

Il semble que le préjudice moral ait d’autant plus vocation à être mieux indemnisé que la période de recours abusif à la vacation est longue et a privé l’agent concerné de toute perspective de titularisation en l’installant dans une position de grande précarité professionnelle.

Le délai de prescription quadriennale ne commence à courir qu’à compter de la régularisation du contrat

Enfin, il importe de préciser que « le délai de prescription de la créance dont l’agent se prévaut, relative notamment aux indemnités qu’elle aurait dû percevoir en tant qu’agent non titulaire, court à compter de la date où elle a été placée dans une situation régulière » - ce qui permet aux agents concernés de réclamer le remboursement des primes et indemnités qui ne leurs ont pas été versés en tant que vacataires, et ce depuis le premier contrat de vacation irrégulier (CAA de Douai, 3ème chambre, 25 mars 2021, n° 19DA02345).

C’est donc à raison que le Gouvernement a sommé les préfets, dans l’instruction précitée du 28 septembre 2021, de rappeler aux collectivités et aux EPCI « les risques contentieux encourus en cas de recours abusif à la qualité de vacataire, notamment les conséquences financières lorsque le juge administratif requalifie rétroactivement la vacation en contrat ».

Pour les agents irrégulièrement reconduits d’années en années en tant que vacataires, il est grand temps de faire appel à un avocat pour faire valoir leurs droits et réclamer l’indemnisation qui leur est due, au même titre que le statut d’agents non-titulaires de la fonction publique.

Le cabinet ROUSSEAU se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous assister dans vos démarches.

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